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Export d'agrumes: Marchés réceptifs, offre déficitaire

5 nov. 2019 L'Economiste

De bonnes perspectives d’écoulement à des prix rémunérateurs sont offertes à la filière agrumicole. Mais l’offre fait cruellement défaut. Selon les premières prévisions, la production au titre de la campagne 2019-2020 devrait enregistrer un plongeon de 40% à 1,56 million de tonnes contre 2,6 millions lors de la saison précédente. Et le plongeon concerne les petits fruits qui prédominent à l’export.

La plus forte baisse est relevée dans la région qui assure également les 2/3 des exportations d’agrumes. Selon les commissions régionales d’évaluation des récoltes, relevant de l’interprofession, dans cette région, la baisse varie entre 40 et 60% selon les zones et les variétés d’agrumes. Dans les autres régions, le recul de production varie entre 30 et 35%.

Mais une partie du recul de la production est compensée par l’entrée en production des nouvelles plantations que la profession se garde d’estimer le chiffre. D’ailleurs, ses «appréciations» bien que basées sur le terrain par des commissions constituées de producteurs et techniciens, sont avancées à titre indicatif. Ceci, dans l’attente des chiffres officiels qui tardent à être communiqués alors que la campagne d’exportation a pris sa vitesse de croisière depuis la 2e décade du mois d’octobre.

Au niveau des ventes à l’extérieur, les prix sont en nette amélioration par rapport à la précédente campagne. Car, la baisse de l’offre concerne également le bassin méditerranéen: entre 20 et 30%. Un recul, résultant de la forte charge des arbres enregistrée durant la campagne passée dans des pays comme l’Espagne, l’Egypte et la Turquie.

Cette situation, conjuguée à un retard de maturité de 4 à 5 semaines avait entraîné un effondrement des prix plus accentué pour l’offre marocaine. Du coup, de nombreux producteurs ont dû détruire une part non négligeable de leur récolte ou l’abandonner sur arbre. Ce qui explique d’ailleurs, la forte baisse de production attendue cette année. L’arbre ayant dû faire face à la double contrainte d’alimenter et les anciens et les nouveaux fruits.

Et comme souligné, ce sont les petits fruits qui sont les plus touchés. A l’export, ces variétés prédominent à hauteur de 95%. Du moins sur les marchés où la normalisation et la traçabilité sont incontournables. Car, les oranges, en vrac tous calibres confondus enregistrent une hausse exponentielle sur les marchés de l’Afrique subsaharienne. Selon les estimations de l’Association marocaine des conditionneurs, les expéditions d’agrumes sur cette région dépassent actuellement les 600.000 tonnes.   

Quant aux sorties d’oranges normalisées, elles peinent à franchir la barre des 100.000 tonnes. En revanche, l’import de ces variétés sous forme de concentré et jus de fruits est sur une tendance ascendante depuis plusieurs années.

En revanche, l’export des pays concurrents porte essentiellement sur les oranges dont la compétitivité est avérée. C’est le cas de l’Egypte et de la Turquie qui bénéficient des faibles coûts de main d’œuvre, de l’eau, du carburant et des dévaluations de leur monnaie. L’Espagne, avec la proximité du marché européen, s’affirme également par la compétitivité de la logistique.

Pour le moment, les opérateurs de la filière se trouvent dans une situation difficile ne leur permettant ni d’honorer leurs engagements vis-à-vis des fournisseurs ni de financer les charges de l’actuelle campagne. Ils viennent de réaliser deux mauvaises campagnes successives, avec des pertes et manque à gagner estimés à 2 milliards de DH. (Voir L’Economiste du 15 octobre 2019). 

Il est à noter que depuis le mois de janvier dernier, la Fédération interprofessionnelle a tenu une série de rencontres et de concertations avec le ministère de l’Agriculture. Ces réunions ont permis d’identifier les mesures de soutien touchant l’amont, l’export et la transformation. Mais jusqu’à présent, le ministère des Finances n’a pas encore accordé son aval.

La situation financière difficile des agrumiculteurs n’a pas manqué d’être mise à profit cette année par les négociants de fruits. Ces derniers ne veulent pas acheter les récoltes sur pieds. Ils préfèrent les transactions au kilo. Histoire de mettre la pression en obligeant les producteurs à financer les frais de cueillette.