Dès la confirmation de la suppression de l’exonération quinquennale de l’IS au profit des exportateurs, plusieurs opérateurs se sont empressés de créer une nouvelle société avant la fin de l’année 2019. L’objectif était de continuer à bénéficier de l’incitation fiscale. Si bien que l’Ompic a enregistré une affluence inhabituelle de demandes de certificats négatifs.
Selon les chiffres obtenus auprès de l’Office, le mois de décembre 2019 a connu la création de 8.412 nouvelles structures contre 7.120 au cours du mois précédent. Un expert-comptable explique ce regain, notamment par la réactivation des dossiers longtemps bloqués aux CRI. D’autres professionnels l’attribuent aux créations de sociétés dans le but de profiter de l’exonération quinquennale de l’IS aux entreprises exportatrices. La loi n’ayant pas d’effet rétroactif.
Les professionnels contactés confirment avoir plusieurs clients ayant recours à ce subterfuge, «qui ne doit pas être considéré comme de la fraude», ironise un expert-comptable, qui reconnaît que le fait d’être totalement exonéré de l’IS pendant cinq ans est un enjeu de taille». Un délai de grâce dont profitent certains investisseurs pour réduire leurs dettes, par exemple.
Mais le fait de créer une société en 2019 ne suffit pas pour profiter de l’exonération quinquennale de l’impôt sur les sociétés. Les articles 6-I-B-1 et 31-I-B-1 du code général des impôts 2019 précisent que ce n’est qu’à partir de la réalisation de la première opération d’exportation que ce délai commence à courir. Ce qui veut dire que les sociétés créées au cours des derniers jours de 2019 doivent avoir réalisé au moins une exportation avant le 1er janvier 2020 et ce, quel qu’en soit le montant.
Une disposition qui ne semble pas aussi claire qu’elle n’y paraît. En effet, l’expédition à l’étranger d’échantillons payants, par exemple, peut-elle être assimilée à une première exportation? De nombreux conseils ont suggéré à leurs clients de réaliser une exportation même d’une petite quantité de marchandises pour prétendre au statut d’exportateur et bénéficier de l’exonération quinquennale de l’IS.
Les démarches suivant cette opération portent sur le rapatriement des devises. L’Instruction générale de l’Office des changes fixe à 150 jours l’échéance pour le rapatriement des devises dans le cas des exportations de biens et à 90 jours pour les prestations de services.
Quand il s’agit d’exportations de marchandises, la justification ne pose pas de problème parce qu’elle donne lieu à une sortie de produits constatée par les services de la douane. Mais quand il est question d’exportations de services (une consultation verbale, par exemple), les choses se compliquent.
«C’est le type d’exportation qui reste le plus difficile à justifier et à contrôler car il n’est pas matérialisé par un produit physique. L’opération peut porter, par exemple, sur une consultation de haut niveau par vidéoconférence, facturée à 100.000 DH, par exemple. Il peut également s’agir d’une étude sur certaines dispositions fiscales, imprimée et envoyée à l’étranger par poste. Autant d’opérations immatérielles et difficiles à justifier», explique un expert-comptable.
Cette zone grise dans la législation pourrait bien donner lieu à des contentieux en cas de contrôle fiscal. En cas de litige, la charge de la preuve revient à l’administration. C’est donc à elle de prouver que le service n’a pas été rendu dans les délais déclarés. L’autre subtilité du régime fiscal de l’export concerne la date de facturation. Bien que l’opération ait lieu en 2019, celle-ci peut être datée de 2020 et intégrée dans le chiffre d’affaires de 2019.
Hassan EL ARIF