Le rapport d’Allianz Research intitulé « The corporate battlefield : Global insolvencies in times of war economics », publié en mars 2025, dresse un tableau préoccupant de la situation économique du Maroc en matière de défaillances d’entreprises.
Alors que les difficultés s’aggravent à l’échelle mondiale, le Royaume apparaît comme l’un des pays les plus exposés.
Selon les prévisions d’Allianz, les faillites d’entreprises devraient croître de 6 % en 2025 dans le monde, puis de 3 % en 2026.
Cependant, le Maroc se distingue par une dynamique plus alarmante : en 2024, le pays se classe parmi les nations à risque « très élevé », avec une augmentation des défaillances supérieure à 15 % par rapport à la période de référence 2016-2019. Ce niveau de risque le place au même rang que des pays comme l’Espagne et la Pologne.
Pour l’année 2025, une hausse de 7 % est attendue, un rythme supérieur à la moyenne mondiale, plaçant le Royaume dans la catégorie des pays connaissant une « progression modérée » (entre 5 et 10 %).
Ce phénomène s’explique par des fragilités persistantes dans le tissu économique national.
Le rapport pointe du doigt des retards chroniques des paiements, qui alimentent des tensions de trésorerie chez les entreprises.
Cette situation est aggravée par un ralentissement de la croissance, estimée à 3,1 % en 2025 – un niveau jugé insuffisant pour absorber les difficultés sectorielles et relancer l’investissement.
La comparaison avec la période pré-Covid est frappante : le taux d’insolvabilité au Maroc est aujourd’hui 95 % plus élevé qu’entre 2016 et 2019, contre seulement 12 % d’augmentation au niveau mondial.
Cela témoigne d’une vulnérabilité structurelle bien plus marquée que dans d’autres économies.
Trois secteurs stratégiques sont particulièrement fragilisés. Le transport et la logistique subissent les répercussions de la hausse des coûts énergétiques.
Les services aux entreprises (B2B), de leur côté, sont confrontés à des difficultés d’accès au financement, aggravées par des retards de paiement de la commande publique.
Enfin, le secteur du bâtiment, qui joue un rôle crucial dans l’emploi et le PIB industriel, reste très exposé aux tensions conjoncturelles. À eux trois, ces secteurs représentent environ 40 % du tissu industriel marocain.
Allianz estime qu’en 2025, 2,3 millions d’emplois pourraient être menacés par les faillites dans le monde. Au Maroc, cette menace est accentuée par la prédominance des très petites entreprises : elles comptent en moyenne trois salariés, contre quinze dans l’Union européenne, et sont souvent contraintes de cesser leur activité brutalement, sans recours, ce qui amplifie les pertes d’emploi et affaiblit la consommation des ménages.
Le rapport alerte également sur les conséquences potentielles d’une guerre commerciale internationale. Une hausse des droits de douane, notamment aux États-Unis, pourrait entraîner une nouvelle vague de faillites (+8 % en 2026 à l’échelle mondiale).
Le Maroc, dont un tiers du PIB dépend des exportations, serait en première ligne, en particulier dans les filières textile et automobile.
Près de 8.000 PME marocaines, insérées dans les chaînes de valeur européennes, verraient leur compétitivité fragilisée face à une demande en recul et à une concurrence asiatique renforcée.